Hospitalisation et incompréhension

Hospitalisation et incompréhension

 

On est en avril, maintenant, et, avec le recul, je peux me rendre compte de ce qui m’est arrivé, il y a quelques mois de cela…

Revenons donc vers novembre-décembre 2005… Ce n’est pas facile, car j’ai passé par des moments de non-lucidité, de craintes terribles du « monde », d’angoisses paralysantes, mais aussi de sentiments de tout-pouvoir… En gros, j’ai « décompensé grave ».

Les raisons qui m’ont amenée dans cet état étaient complexes (déménagement, modifications de la médication, tentative d’arrêt du tabac, problèmes affectifs, familiaux…). J’ai fait une tentative de suicide, suivie d’un coma sous respiration artificielle. Je ne garde aucun souvenir des jours après le réveil, seuls de vagues « flashs » des deux ou trois jours passés à Bellelay ou j’ai été prise en charge après.

Par contre, et c’est ce qui me motive pour écrire ce témoignage, je me souviens très bien de mon hospitalisation à l’UHMP de Delémont.

J’ai quitté Bellelay en signant une décharge, car je pensais qu’être sur Delémont permettrait à mon ami de me rendre visite plus facilement. En effet, j’avais besoin d’aide, c’est sûr, mais pas d’être isolée, sans contact aucun, dans une région que je ne connaissais pas du tout !!!

J’ai pris alors contact avec l’UHMP, et en accord avec la médecin-chef, il fut convenu que je pourrais entrer le jeudi vers midi. Or, le mercredi soir, plus rien n’allait, et sur le conseil de mon compagnon, qui ne pouvait plus gérer la situation, je me suis rendue aux urgences. Là, rencontre avec la doctoresse qui m’explique qu’il me faut rentrer à la maison et revenir le lendemain, comme prévu, que je suis lâche et que, dans ces nouvelles conditions, elle ne sera pas ma référente. Et comme je suis obligée, vu mon état, d’entrer le soir même à l’UHMP, j’y passerai donc par une cellule d’isolement à porte ouverte et contrôle toutes les 35 minutes (il n’y a pas de sonnette d’alarme).

Ces mots me viennent à l’esprit en vrac, comme ça : Isolement… Incompréhension… Au secours !!! Mais pourquoi donc suis-je lâche de demander de l’aide ?!?

Ma médication principalement était la suivante : Seresta, 8 comprimés de 50 mg par jour et 4 en réserve, arrêt brusque du Topamax (je suis épileptique), après discussions houleuses, ils m’ont mis du Tégrétol, je crois me souvenir… Pas de fer, ni de vitamines (j’ai fait un by-pass gastrique).

Incompréhension….

Droit des patients ? Pas affiché…

Droit de recours ? Pas affiché…

Fonctionnement de l’hôpital ? Pas de noms affichés, mais règlement distribué très vite…

On fouille mes affaires le matin pendant le petit-déjeuner, au cas ou je serai une dealer…

Je n’arrive pas à me reposer, tellement j’ai peur des soignants et des patients, on pourrait à chaque instant venir dans la chambre, voler quelque chose pendant que je dors… Je deviens encore plus parano qu’avant…

Le seul moyen de supporter, c’est de faire ce qu’ils veulent, la douche tous les matins, prendre les médicaments, suivre à la lettre le programme et les moments en chambre. Je plie. Vivement que je sorte pour me remettre de tout ça à la maison !

La communication entre patients et soignants est quasi inexistante. Sans parler de la médication, donnée dans mon cas de manière abusive, et dangereuse (exemple : 80 mg de Risperdal Consta injectable pour la première fois de ma vie… J’ai failli y rester…). On ne commence pas un traitement avec de pareils dosages ! Je suis et je reste révoltée !

J’ai plié, je n’ai pas cassé comme de nombreux amis et amies que j’ai vu réellement souffrir, se sentir parfois même humiliés par une infantilisation extrême… Les patients se soupçonnaient même les uns et les autres d’êtres complices du personnel infirmier… Pour ma part, j’ai dû à un moment donné lâcher prise, et je savais que j’aurais l’occasion de remettre les choses en place à ma sortie… J’ai donc décidé de jouer le jeu temporairement et d’en tirer le meilleur parti, dans ma situation, même s’il n’y avait pas grand-chose à en tirer…

J’ai appris les lois des « détenus », celles du silence, celles des moyens pour s’en sortir au mieux dans les pires situations… Des « amis » d’hôpital, j’en ai eu, mais aucun n’est resté après mon retour à la maison…

Pourtant il est vrai que cette hospitalisation était nécessaire, que j’ai été accueillie, même très remontée comme je l’étais, et que j’allais mieux en sortant…

Maintenant, afin d’éviter une nouvelle fois une situation pareille, je mets au point avec mon médecin une lettre de directives anticipées en « béton ». Je me suis très bien informée sur mes droits, j’ai pris toutes les dispositions pour que la prochaine fois que je serai hospitalisée je sois en mesure de les faire appliquer.

Quant à ma maladie, je sais quelle médication me convient, quelles situations de stress sont à éviter ou pourraient être susceptibles de m’affecter psychiquement, et j’essaie de me mettre à l’abri, en me permettant de dire stop, là, j’ai besoin de repos, là, il faut que je me reprenne, c’est risqué….

Et, si je n’y arrive pas toute seule, selon moi, sans être lâche, je demanderai de nouveau de l’aide…

 

Melanie Selve Aeschlimann

Hospitalisation et incompréhension

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On est en avril, maintenant, et, avec le recul, je peux me rendre compte de ce qui m’est arrivé, il y a quelques mois de cela…

Revenons donc vers novembre-décembre 2005… Ce n’est pas facile, car j’ai passé par des moments de non-lucidité, de craintes terribles du « monde », d’angoisses paralysantes, mais aussi de sentiments de tout-pouvoir… En gros, j’ai « décompensé grave ».

Les raisons qui m’ont amenée dans cet état étaient complexes (déménagement, modifications de la médication, tentative d’arrêt du tabac, problèmes affectifs, familiaux…). J’ai fait une tentative de suicide, suivie d’un coma sous respiration artificielle. Je ne garde aucun souvenir des jours après le réveil, seuls de vagues « flashs » des deux ou trois jours passés à Bellelay ou j’ai été prise en charge après.

Par contre, et c’est ce qui me motive pour écrire ce témoignage, je me souviens très bien de mon hospitalisation à l’UHMP de Delémont.

J’ai quitté Bellelay en signant une décharge, car je pensais qu’être sur Delémont permettrait à mon ami de me rendre visite plus facilement. En effet, j’avais besoin d’aide, c’est sûr, mais pas d’être isolée, sans contact aucun, dans une région que je ne connaissais pas du tout !!!

J’ai pris alors contact avec l’UHMP, et en accord avec la médecin-chef, il fut convenu que je pourrais entrer le jeudi vers midi. Or, le mercredi soir, plus rien n’allait, et sur le conseil de mon compagnon, qui ne pouvait plus gérer la situation, je me suis rendue aux urgences. Là, rencontre avec la doctoresse qui m’explique qu’il me faut rentrer à la maison et revenir le lendemain, comme prévu, que je suis lâche et que, dans ces nouvelles conditions, elle ne sera pas ma référente. Et comme je suis obligée, vu mon état, d’entrer le soir même à l’UHMP, j’y passerai donc par une cellule d’isolement à porte ouverte et contrôle toutes les 35 minutes (il n’y a pas de sonnette d’alarme).

Ces mots me viennent à l’esprit en vrac, comme ça : Isolement… Incompréhension… Au secours !!! Mais pourquoi donc suis-je lâche de demander de l’aide ?!?

Ma médication principalement était la suivante : Seresta, 8 comprimés de 50 mg par jour et 4 en réserve, arrêt brusque du Topamax (je suis épileptique), après discussions houleuses, ils m’ont mis du Tégrétol, je crois me souvenir… Pas de fer, ni de vitamines (j’ai fait un by-pass gastrique).

Incompréhension….

Droit des patients ? Pas affiché…

Droit de recours ? Pas affiché…

Fonctionnement de l’hôpital ? Pas de noms affichés, mais règlement distribué très vite…

On fouille mes affaires le matin pendant le petit-déjeuner, au cas ou je serai une dealer…

Je n’arrive pas à me reposer, tellement j’ai peur des soignants et des patients, on pourrait à chaque instant venir dans la chambre, voler quelque chose pendant que je dors… Je deviens encore plus parano qu’avant…

Le seul moyen de supporter, c’est de faire ce qu’ils veulent, la douche tous les matins, prendre les médicaments, suivre à la lettre le programme et les moments en chambre. Je plie. Vivement que je sorte pour me remettre de tout ça à la maison !

La communication entre patients et soignants est quasi inexistante. Sans parler de la médication, donnée dans mon cas de manière abusive, et dangereuse (exemple : 80 mg de Risperdal Consta injectable pour la première fois de ma vie… J’ai failli y rester…). On ne commence pas un traitement avec de pareils dosages ! Je suis et je reste révoltée !

J’ai plié, je n’ai pas cassé comme de nombreux amis et amies que j’ai vu réellement souffrir, se sentir parfois même humiliés par une infantilisation extrême… Les patients se soupçonnaient même les uns et les autres d’êtres complices du personnel infirmier… Pour ma part, j’ai dû à un moment donné lâcher prise, et je savais que j’aurais l’occasion de remettre les choses en place à ma sortie… J’ai donc décidé de jouer le jeu temporairement et d’en tirer le meilleur parti, dans ma situation, même s’il n’y avait pas grand-chose à en tirer…

J’ai appris les lois des « détenus », celles du silence, celles des moyens pour s’en sortir au mieux dans les pires situations… Des « amis » d’hôpital, j’en ai eu, mais aucun n’est resté après mon retour à la maison…

Pourtant il est vrai que cette hospitalisation était nécessaire, que j’ai été accueillie, même très remontée comme je l’étais, et que j’allais mieux en sortant…

Maintenant, afin d’éviter une nouvelle fois une situation pareille, je mets au point avec mon médecin une lettre de directives anticipées en « béton ». Je me suis très bien informée sur mes droits, j’ai pris toutes les dispositions pour que la prochaine fois que je serai hospitalisée je sois en mesure de les faire appliquer.

Quant à ma maladie, je sais quelle médication me convient, quelles situations de stress sont à éviter ou pourraient être susceptibles de m’affecter psychiquement, et j’essaie de me mettre à l’abri, en me permettant de dire stop, là, j’ai besoin de repos, là, il faut que je me reprenne, c’est risqué….

Et, si je n’y arrive pas toute seule, selon moi, sans être lâche, je demanderai de nouveau de l’aide…

 

Melanie Selve Aeschlimann

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