Témoignages - Univers de...
Rencontres
Groupe de proches concernées
Urgences
Numéros et contacts d'urgences
AMPP
Action maladie psychique et prison
Infos
A propos du graap association
Témoignages - Univers de...
Ils dessinent, écrivent, témoignent par de nombreux moyens d'expression de leur expérience de vie. Leur vie derrière les barreaux mais pas seulement...
Les uns s'évadent dans des univers artistiques imaginaires, d'autres partagent leurs expériences sur l'enfermement et sur la mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 du CPS) qui les maintient en prison pour une durée indéterminée. Ils parlent de leur vécu au quotidien, leurs réalisations, leurs projets, mais aussi de leurs rêves et de leurs espoirs.
Les effets thérapeutiques des démarches créatrices sont bien connus. Toutefois, derrière les barreaux, quand on est confronté à un système judiciaire implacable et à des conditions de détention extrêmement dures, le simple fait de dire les choses a non seulement un effet soignant, c'est aussi souvent la seule échappatoire pour redevenir acteur de sa vie.
Parmi ses activités, l'Action Maladie Psychique et Prison accompagne des détenus soumis à l’article 59 dans leurs projets personnels. Des projets qui leur permettent de glaner des expériences positives à travers lesquelles ils peuvent donner du sens à leur journée.
L'univers imaginaire de Raphaël*
Des justiciers au grand cœur
Raphaël, 32 ans dont presque sept années passées en prison soumis à l’article 59, a un rêve : se rendre un jour au Japon pour rencontrer des grands maîtres du manga.
… En attendant, du fond de sa cellule, il écrit des scénarios rocambolesques et dessine, dessine, dessine… Des milliers de feuillets sont empilés dans sa chambre.
Imprégnées des codes de la culture manga, ses bandes dessinées racontent les aventures de personnages de tout acabit : des êtres cruels et sans scrupules souvent. Mais ses véritables héros sont toujours des justiciers au grand cœur, des êtres confrontés à des situations désespérées et à la violence du monde.
Car, c'est peut-être aussi de lui que parle Raphaël, alias Koteru Yantsu, son nom d'artiste. Avec une certaine malice et une ironie douce-amère, il évoque en toile de fond ses propres sentiments d'injustice et d'impuissance face au «système» qui l'écrase.
Atteint de troubles du spectre autistique diagnostiqués tardivement, Raphaël s'invente d'autres mondes où les drames finissent par céder la place à des épilogues heureux.
*Nom d’emprunt
Découvrez les œuvres spécialement réalisées pour l’Action Maladie Psychique et Prison :
L’univers de Karl*
Des mots pour tenir debout
De l’extérieur, on n’imagine pas ce que représente les conduites accompagnées pour les détenus. Accordées au compte-goutte, très encadrées, ces sorties constituent souvent la seule occasion de se retrouver en famille hors du cadre glacial de la prison, la seule occasion d’entrevoir des paysages presque oubliés, de respirer l’air du dehors, l’air du monde « normal », un tout premier pas vers le long processus menant à la liberté.
Toute une vie d’adulte en prison
Il avait 21 ans, quand il a passé la porte de la prison pour la première fois. Âgé de 54 ans, il en est à sa 33ème année de prison. Maintenant, il a purgé sa peine depuis très longtemps. En exécution de mesure depuis 15 ans, il peine à voir la sortie du tunnel.
Depuis peu, il bénéfice d’autorisations de conduite accompagnée. Ces petits moments de presque normalité.
Dans le texte à découvrir ici, il raconte la sortie organisée à l’occasion de l’anniversaire de sa mère.
Arrivé au restaurant les pieds enchaînés dans un véhicule portant en gros caractères le nom de la prison, surveillé durant tout le repas par deux gardiens et deux policiers, rien n’a altéré sa joie de serrer sa mère dans ses bras. D’origine alémanique, Karl a écrit son texte dans un français appris en prison. Par souci de lisibilité, nous avons quelque peu remanié son texte tout en restant fidèle à son propos. Et qu’importe la syntaxe, écrire, mettre des mots sur ce qu’il vit au quotidien, est peut-être l’une des dernières choses qui le maintient debout et en vie.
*Nom d'emprunt
Découvrez ICI le premier texte de Karl :
Des visites en prison
Lorsque j’ai accepté de faire des visites en prison, il y a environ deux ans, ma première motivation a été une curiosité, un intérêt pour un milieu que je ne connaissais pas.
Le désir d’aider à mieux vivre autour de moi et de contribuer au bien-être de mon prochain m’habite depuis toujours. Tout en respectant les limites de mes possibilités et de mes compétences, offrir du temps pour une visite, une écoute, un dialogue, m’apporte beaucoup de joie !
Mes rencontres avec Karl et ses réactions m’ont confirmé que cela en valait la peine. Je passe avec lui des moments d’une richesse étonnante. Je découvre la réalité d’un monde complètement nouveau. En même temps, je suis amenée à revoir certains de mes aprioris. Une autre image de la justice des hommes se fait jour.
Et, il y a Karl. Cet homme qui a passé plus de la moitié de sa vie derrière les barreaux. Je réalise à quel point, un homme ne peut se résumer à ses actes, ni à son statut de prisonnier ou de malade. Derrière ces statuts, il y a un être humain avec tout le respect qu’on lui doit.
La situation de cet homme me touche. En visite, je suis aux côtés d’une personne riche de sentiments, de forces et de faiblesses, qui lutte avec plus ou moins d’énergie pour garder l’espoir.
Apporter des bouffées d’air frais, un peu de couleurs, dans un environnement qui évoque plutôt le gris ! J’ai bien conscience du moment privilégié de ces moments d’échange. Ils s’inscrivent dans une relation « normale » et non de gardien à prisonnier ; deux personnes qui se respectent ont choisi de passer une heure ensemble, de s’écouter, de réfléchir. Le dialogue prend tout son sens.
Ce partage a quelque chose de particulier que lui-même exprime aussi dans ses courriers : des moments qui me font du bien et qui me permettent de m’évader du quotidien de la prison.
Ce sont des rencontres qui me touchent et me font du bien à moi aussi. Même si, trop souvent j’éprouve des sentiments de tristesse, d’impuissance, d’injustice…mais la joie de la rencontre l’emporte… et je me réjouis de ma prochaine visite !
Octobre 2023
Action Maladie Psychique et Prison
Marceline, intervenante bénévole, anc. Présidente de l’ANAAP.
L'univers de Jean-Pascal Dujardin*
L'article 59 vu par un détenu : «Des effets dévastateurs »
«Quel est l'impact de l'article 59 sur les personnes soumises au «petit internement?» Cette question cruciale, un jeune détenu incarcéré à l'âge de 18 ans, en a fait le thème central de son Travail d'application personnel (TAP) réalisé en prison dans le cadre de son Attestation fédérale de capacité de peintre en bâtiment.
Agé aujourd'hui de 23 ans et toujours en prison, Jean-Pascal Dujardin – un pseudonyme auquel il tient - raconte de l'intérieur ce que signifie pour des auteurs de délits mineurs d'être maintenus en prison sous une mesure institutionnelle sans aucune date de sortie à laquelle s'accrocher.
Dans ce document de 18 pages bien construit, étayé par des interviews, il met en lumière les failles, les carences et les effets dévastateurs de cette mesure institutionnelle exécutée dans un lieu aussi inapproprié que la prison.
On peut lire en filigrane le profond sentiment d'injustice et la souffrance d'un jeune détenu qui a fini de purger sa peine depuis longtemps. Un jeune homme incarcéré essentiellement pour des bagarres n'ayant pas entraîné de lésions corporelles graves et pourtant maintenu en prison sous un article 59 qu'il ne s'explique pas.
JPD a brillamment réussi ses examens avec la note de 4,9. Il est motivé pour poursuivre son apprentissage de peintre, métier dans lequel il se sent bien, ou toute autre formation. Mais cela ne pourra se faire qu'en dehors des murs d'un pénitencier. Or, comme pour beaucoup d'autres prisonniers, l'article 59 al. 3 entrave tous ses rêves d'avenir.
* Nom d’emprunt
