Le mode de gouvernance sociocratique

La force du groupe, un facteur de rétablissement individuel et collectif

Texte de Barbara Zbinden et Gilles Charest, support
à leur intervention au Congrès 2010 du Graap

Les symptômes

Les symptômes de nos dysfonctionnements psychologiques, individuels et collectifs, sont connus.

Au plan individuel, la personne se coupe d’elle-même et de ses besoins. Parfois la souffrance est telle que la personne n’est même plus en mesure d’identifier et de nommer ce qu’elle ressent. Cette déconnexion la conduit vers une perte de liens avec les autres et avec son environnement. Privée d’une véritable présence dans l’espace et dans le temps, la personne a rompu le contact avec la réalité.

Au plan des organisations, cette coupure se manifeste par une déshumanisation du travail. Les personnes sont perçues et se perçoivent comme des pièces de machines remplaçables. Partout en Occident, la compétition pour garder son poste et la désolidarisation entre les collaborateurs aboutissent à l’épuisement professionnel et aux maladies du travail, de plus en plus dénoncées, par les responsables de la santé publique.

Le fin mot de cette histoire se résume à deux maux qui vont de pairs : perte de sens et perte de lien.

La cause

Il faut cesser de chercher la cause des maux qui affectent tant d’individus du seul côté des défaillances individuelles. Nous vivons dans des structures qui nous rendent fous.

La structure pyramidale classique de nos organisations est utile pour coordonner l’action sur le terrain. Elle est destructrice quand nous sommes réduits à y prendre nos décisions. En effet, dans cette structure, le chef a le pouvoir d’imposer ses choix. Ce pouvoir, conféré par la structure même et jamais remis en question, induit naturellement des rapports dominants / dominés.

Tous les chefs ne sont pas des tyrans par essence, mais rien ne les empêche formellement de se conduire de la sorte. Ce risque est réel et si les collaborateurs ne sont pas en mesure de fuir des situations oppressantes ou de se révolter, il ne restequ’une issue, la maladie.

Toute intervention pour améliorer une organisation où sévissent des rapports de domination va nécessairement envenimer le problème parce qu’elle va temporairement renforcer la structure de commandement.

Le fait que ces rapports de domination soient conscients ou inconscients ne change rienà la dynamique qui se joue au sein de nos organisations. La peur que génère cette structure de domination est la principale cause de nos dysfonctionnements individuels et collectifs. Il faut donc modifier cette structure si nous espérons changer quoi que ce soit à la culture.

Le mode sociocratique de gouvernance

Le mode sociocratique de gouvernance ne supprime pas la structure pyramidale d’exécution. Cette dernière est indispensable pour coordonner l’action.

L’étude des systèmes nous adémontré que, pour être pleinement efficace, une structure d’exécution doit être compensée par une structure de prise de décision, dans laquelle les collaborateurs ne peuvent en aucune façon se dominer les uns les autres.

Le mode sociocratique de gouvernance propose 4 règles pour créer ces conditions.

Le cercle sociocratique

Le cercle sociocratique est constitué du chef d’une unité de travail et de sescollaborateurs. Il est responsable de réaliser la mission de l’unité, d’améliorer la qualité de sa production et d’assurer sa pérennité par l’éducation permanente de ses membres.

Le cercle se superpose à la structure hiérarchique traditionnelle en devenant un espace au sein duquel sont définies les orientations qui vont cadrer le fonctionnement de l’unité. Le cercle est ainsi l’instance politique de l’unité de travail. Il délègue au chef de l’unité la responsabilité de mettre en application ses politiques. Dans ce contexte, le chef de l’unité n’est plus le chef des décideurs, mais le chef des exécutants.

Le consentement comme mode de prise de décision

Les décisions prises au sein du cercle le sont sur la base du consentement mutuel. Cela signifie qu’aucune décision ne sera prise si un des membres du cercle y oppose une objection raisonnable. Une objection raisonnable est un argument qui permet de bonifier la décision que le cercle s’apprête à prendre.

Dans le cercle, les objections des membres sont accueillies de façon à ce que le cercle lui-même s’approprie cette objection pour essayer d’améliorer sa décision. Dans ce sens, le cercle n’est pas un lieu de débat au sens traditionnel du terme et où il y a un gagnant et un perdant, mais un lieu de coopération où la contribution de chacun est prise en compte pour prendre la meilleure décision, c’est à dire celle qui tient compte des limites de tous ceux qui auront à vivre avec cette décision.

Le second lien comme régulateur entre les niveaux hiérarchiques

Le second lien est une personne élue par le cercle pour le représenter dans le cercle immédiatement supérieur. Ce représentant est reconnu comme décideur de plein droit dans le cercle supérieur. Il porte donc dans le cercle supérieur l’esprit de son cercle et agit, comme les autres décideurs, dans l’intérêt général.

L’élection sociocratique pour affecter les membres dans leurs fonctions

L’affectation des membres d’un cercle dans leurs fonctions se fait sur la base d’une discussion ouverte dans le cercle et avec le consentement de tous les membres du cercle. Les rôles d’officiers de cercle : animateur, secrétaire et second lien sont des postes électifs pour une période reconductible de 2 ans chaque fois.

Le processus de rétablissement

Pour vivre sainement ou recouvrer la santé, les personnes comme les organisations, doivent adopter certains principes de fonctionnement. Ces principes sont dynamiques et impriment un mouvement évolutif. On observe des étapes dans le cheminement vers la santé et son maintien et ce, tant pour l’individu que pour l’organisation. Ces étapes définissent le processus de rétablissement.

Accepter ses limites

Pour l’individu, reconnaître ses limites et accepter qu’il ne puisse pas s’en sortir seul est le premier pas vers la santé mentale. Il y a dans le refus de reconnaître qu’on est limité, un sentiment de toute puissance qui sert de terreau à la folie.

L’organisation a également besoin de reconnaître ses limites et d’accepter qu’elle puisse s’améliorer.

Le déni de la réalité conduit les individus comme les organisations vers l’aliénation mentale, sociale et forcément économique.

Sortir du moi blessé

S’il est important d’accepter ses limites, il est tout aussi important de ne pas s’identifier à ses limites. S’enfermer ou enfermer l’autre dans le rôle de victime perpétue le triangle infernal : sauveur, bourreau, victime qui entretient la maladie et conforte l’idée qu’on ne peut pas s’en sortir.

Nous sommes définitivement plus que nos défaillances, nos limites, nos maladies. Nous demeurons, en toute circonstances, des êtres d’évolution capable d’apprendre, de contribuer et d’être utile. Nous restons, malgré nos limites, des êtres vivants doués d’une conscience, responsables et utiles. Entretenir des rapports d’équivalence fondés sur cette vision positive de soi et des autres guérit. Comme le démontre les théories de la communication et notamment les travaux de l’école de Palo Alto 1 , le regard que l’on porte sur soi même ou les autres emprisonne ou libère.

Donner un sens à sa vie

Pour trouver l’énergie nécessaire au rétablissement, il faut voir la lumière au bout du tunnel. Cette lumière commence à briller lorsque la possibilité de formuler un projet donne à la personne une raison de se mettre en mouvement. Personne n’est assez insignifiant pour penser que sa vie n’a pas de sens. Il se peut que la perception de son propos de vie soit momentanément perdue, mais avec un peu d’investigation, l’aide et le soutien des autres, on peut redécouvrir une raison de vivre et de travailler. Celle-ci se situe toujours au-delà d’un ego blessé ou tout puissant.

Ce qui est vrai au plan individuel l’est aussi au plan de l’organisation. Pour mobiliser l’intelligence de ses collaborateurs, une organisation se doit de préciser sa vision du monde et sa mission dans ce monde. Les buts qui en découlent sont alors fédérateurs. Ils émergent du sentiment d’appartenance, renforcent les liens entre les différents acteurs et donnent un sens au travail en commun.

Se mettre au service des autres

Se mettre au service des autres découle naturellement du fait de donner un sens à sa vie. Le fondateur de la logothérapie, Victor Frankl 2 , a démontré qu’on ne guérit pas pour soi, mais pour être utile à d’autres.

Pour l’entreprise, il s’agit de servir à la fois les clients, les collaborateurs et les actionnaires. La satisfaction des besoins de ces trois grands acteurs de la vie organisationnelle représente l’équilibre qui lui confère sa santé.

Apprendre et évoluer

Quand on est engagé sur la voie de la réalisation de son projet de vie, tous les incidents de la vie quotidienne deviennent prétextes à apprendre et à approfondir le sens de son existence.

Faire de l’organisation un lieu d’éducation permanente s’inspire de cet idée que les incidents de la vie organisationnelle sont aussi éducatifs et qu’ils doivent servir de prétexte pour remettre en question nos façons de faire afin de s’ajuster aux besoins du moment.

Le mode sociocratique de gouvernance et le rétablissement

Le mode de gouvernance sociocratique s’inspire d’une vision qui pose l’art de vivre, la sagesse et la quête de bonheur au cœur de la vie politique et associative. La santé individuelle et sociale ne saurait se maintenir sans cet élan.

Le cercle lieu de rétablissement

Sachant que la maladie est le résultat d’un bris de communication qui nous bannit autant de nous-même que de nos semblables, il nous faut reconstruire cet espace social où nous pouvons nous réconcilier avec l’humanité grâce à l’expérience de l’équivalence. Le cercle sociocratique est à ce titre un lieu d’inclusion par excellence. Bien qu’inégaux, tous y sont considérés comme équivalents. Cet esprit d’équivalence aide chacun à accepter ses limites et à voir sa valeur et celle des autres avec les yeux du cœur.

Le cercle sociocratique, lieu de communion avec soi et les autres offre une robuste contribution au rétablissement de tous ses membres dans leur dignité d’esprit humain libre et responsable.

Le cercle offre aussi à ses membres un projet autour duquel ils peuvent mobiliser leurs énergies et participer à l’édification du monde dont ils rêvent.

Le consentement mutuel, condition de santé mentale

Apprendre à dire oui, apprendre à dire non, à poser ses limites, se sentir respecté, voilà autant de conditions pour faciliter le rétablissement des individus et du même coup augmenter la performance de nos organisations.

La vie de cercle oblige chacun à utiliser des arguments raisonnables pour se faire entendre au lieu du chantage et des menaces. De cette façon, il aide chacun à sortir de son rôle de victime pour négocier ses besoins ouvertement avec les autres.

Le second lien et l’éveil de l’esprit citoyen

La nomination d’un représentant du cercle au cercle supérieur n’est pas l’instigationd’un contre pouvoir. C’est plutôt un engagement des membres du cercle à se relier à la communauté plus large pour contribuer au bien général.

L’esprit citoyen ne peut vivre que si nous acceptons de soumettre nos décisions à une instance supérieure. Avec la nomination du second lien, c’est possible. Il n’y a en effet plus lieu de craindre d’être dominé par cette instance supérieure puisque les décisions y sont prises sur la base de consentement mutuel. Le second lien est là pour garantir les conditions de notre adhésion.

Changer nos pratiques de l’accompagnement sociale

« Occupez-vous moins de nous et occupez-vous davantage de la société qui produit des souffrances psychiques ». Voilà une demande que faisait un groupe de personnes souffrant de troubles psychiques à des travailleurs sociaux dans le cadre d’un séminaire où nous explorions ensemble la relation entre l’aidant et l’aidé, le professionnel de la santé mentale et le patient psychique. Nous croyons en effet qu’il serait bien plus efficace et beaucoup moins coûteux d’investir le champ du soin à la société plutôt que de créer des institutions-ghettos pour s’occuper des personnes devenues malades à cause d’une mauvaise organisation sociale.

Les structures traditionnelles aidant/aidé recréent symboliquement la relation dominant/dominé, ce qui ne facilite pas le rétablissement. Le mode de gouvernance sociocratique reconnaît le bienfondé de la hiérarchie tout en maintenant l’exigence que cette hiérarchie donne à chacun un pouvoir équivalent pour faire entendre sa voix.

C’est pourquoi, nous nous proposons de réfléchir à une actualisation des fonctionnements des réseaux traditionnels d’aide et de soin. Et si, en s’appuyant sur les principes du mode sociocratique de gouvernance, on intégrait au réseau secondaire composé de professionnels (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, art-thérapeutes, etc…) un représentant du réseau primaire composé du patient psychique, de ses proches et de son éventuel tuteur? Par la règle du second lien, le cercle du malade et de ses proches aurait un représentant dans le cercle des professionnels. Ne serions-nous pas en meilleure posture pour accompagner la personne souffrant de troubles psychiques vers le rétablissement ?

C’est en tout cas l’hypothèque que nous nous apprêtons à tester en Suisse romande. En 2011, le GRAAP veut trouver une nouvelle façon de redonner au proche du patient psychique le pouvoir qui doit être le sien dans le processus de rétablissement. À suivre…


Barbara Zbinden, TS, est citoyenne suisse. Elle est directrice de la Corrasp en Suisse Romande , consultante en développement des organisations et formatrice à l’École internationale des chefs. www.coraasp.ch

Gilles Charest, Mba, est canadien. Il est président de Sociogest, fondateur de l’École internationale des chefs, responsable de l’éduction au Centre mondial de sociocratie. www.sociogest.ca


1 L’École de Palo Alto est un courant de pensée et de recherche ayant pris le nom de la ville de Palo Alto en Californie, à partir du début des années 1950. On le cite en psychologie et psycho-sociologie ainsi qu’en sciences de l’information et de la communication. Ce courant est notamment à l’origine de la thérapie familiale et de la thérapie brève. Parmi ses principaux fondateurs on trouve Gregory BatesonDonald D. JacksonJohn WeaklandJay HaleyRichard FischWilliam Fry et Paul Watzlawick.

2 Frankl estime qu’une des principales causes de névrose est la perte de sens. Il défend la thèse selon laquelle l’inconscient est principalement d’essence spirituelle car “lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore”. Au-delà de l’instinct de plaisir, la nature profonde de l’Homme le conduit vers la réalisation morale. C’est dans son expérience des camps de concentration que Frankl a développé cette interrogation sur le sens.

Le mode de gouvernance sociocratique

La force du groupe, un facteur de rétablissement individuel et collectif

Texte de Barbara Zbinden et Gilles Charest, support
à leur intervention au Congrès 2010 du Graap

Les symptômes

Les symptômes de nos dysfonctionnements psychologiques, individuels et collectifs, sont connus.

Au plan individuel, la personne se coupe d’elle-même et de ses besoins. Parfois la souffrance est telle que la personne n’est même plus en mesure d’identifier et de nommer ce qu’elle ressent. Cette déconnexion la conduit vers une perte de liens avec les autres et avec son environnement. Privée d’une véritable présence dans l’espace et dans le temps, la personne a rompu le contact avec la réalité.

Au plan des organisations, cette coupure se manifeste par une déshumanisation du travail. Les personnes sont perçues et se perçoivent comme des pièces de machines remplaçables. Partout en Occident, la compétition pour garder son poste et la désolidarisation entre les collaborateurs aboutissent à l’épuisement professionnel et aux maladies du travail, de plus en plus dénoncées, par les responsables de la santé publique.

Le fin mot de cette histoire se résume à deux maux qui vont de pairs : perte de sens et perte de lien.

La cause

Il faut cesser de chercher la cause des maux qui affectent tant d’individus du seul côté des défaillances individuelles. Nous vivons dans des structures qui nous rendent fous.

La structure pyramidale classique de nos organisations est utile pour coordonner l’action sur le terrain. Elle est destructrice quand nous sommes réduits à y prendre nos décisions. En effet, dans cette structure, le chef a le pouvoir d’imposer ses choix. Ce pouvoir, conféré par la structure même et jamais remis en question, induit naturellement des rapports dominants / dominés.

Tous les chefs ne sont pas des tyrans par essence, mais rien ne les empêche formellement de se conduire de la sorte. Ce risque est réel et si les collaborateurs ne sont pas en mesure de fuir des situations oppressantes ou de se révolter, il ne restequ’une issue, la maladie.

Toute intervention pour améliorer une organisation où sévissent des rapports de domination va nécessairement envenimer le problème parce qu’elle va temporairement renforcer la structure de commandement.

Le fait que ces rapports de domination soient conscients ou inconscients ne change rienà la dynamique qui se joue au sein de nos organisations. La peur que génère cette structure de domination est la principale cause de nos dysfonctionnements individuels et collectifs. Il faut donc modifier cette structure si nous espérons changer quoi que ce soit à la culture.

Le mode sociocratique de gouvernance

Le mode sociocratique de gouvernance ne supprime pas la structure pyramidale d’exécution. Cette dernière est indispensable pour coordonner l’action.

L’étude des systèmes nous adémontré que, pour être pleinement efficace, une structure d’exécution doit être compensée par une structure de prise de décision, dans laquelle les collaborateurs ne peuvent en aucune façon se dominer les uns les autres.

Le mode sociocratique de gouvernance propose 4 règles pour créer ces conditions.

Le cercle sociocratique

Le cercle sociocratique est constitué du chef d’une unité de travail et de sescollaborateurs. Il est responsable de réaliser la mission de l’unité, d’améliorer la qualité de sa production et d’assurer sa pérennité par l’éducation permanente de ses membres.

Le cercle se superpose à la structure hiérarchique traditionnelle en devenant un espace au sein duquel sont définies les orientations qui vont cadrer le fonctionnement de l’unité. Le cercle est ainsi l’instance politique de l’unité de travail. Il délègue au chef de l’unité la responsabilité de mettre en application ses politiques. Dans ce contexte, le chef de l’unité n’est plus le chef des décideurs, mais le chef des exécutants.

Le consentement comme mode de prise de décision

Les décisions prises au sein du cercle le sont sur la base du consentement mutuel. Cela signifie qu’aucune décision ne sera prise si un des membres du cercle y oppose une objection raisonnable. Une objection raisonnable est un argument qui permet de bonifier la décision que le cercle s’apprête à prendre.

Dans le cercle, les objections des membres sont accueillies de façon à ce que le cercle lui-même s’approprie cette objection pour essayer d’améliorer sa décision. Dans ce sens, le cercle n’est pas un lieu de débat au sens traditionnel du terme et où il y a un gagnant et un perdant, mais un lieu de coopération où la contribution de chacun est prise en compte pour prendre la meilleure décision, c’est à dire celle qui tient compte des limites de tous ceux qui auront à vivre avec cette décision.

Le second lien comme régulateur entre les niveaux hiérarchiques

Le second lien est une personne élue par le cercle pour le représenter dans le cercle immédiatement supérieur. Ce représentant est reconnu comme décideur de plein droit dans le cercle supérieur. Il porte donc dans le cercle supérieur l’esprit de son cercle et agit, comme les autres décideurs, dans l’intérêt général.

L’élection sociocratique pour affecter les membres dans leurs fonctions

L’affectation des membres d’un cercle dans leurs fonctions se fait sur la base d’une discussion ouverte dans le cercle et avec le consentement de tous les membres du cercle. Les rôles d’officiers de cercle : animateur, secrétaire et second lien sont des postes électifs pour une période reconductible de 2 ans chaque fois.

Le processus de rétablissement

Pour vivre sainement ou recouvrer la santé, les personnes comme les organisations, doivent adopter certains principes de fonctionnement. Ces principes sont dynamiques et impriment un mouvement évolutif. On observe des étapes dans le cheminement vers la santé et son maintien et ce, tant pour l’individu que pour l’organisation. Ces étapes définissent le processus de rétablissement.

Accepter ses limites

Pour l’individu, reconnaître ses limites et accepter qu’il ne puisse pas s’en sortir seul est le premier pas vers la santé mentale. Il y a dans le refus de reconnaître qu’on est limité, un sentiment de toute puissance qui sert de terreau à la folie.

L’organisation a également besoin de reconnaître ses limites et d’accepter qu’elle puisse s’améliorer.

Le déni de la réalité conduit les individus comme les organisations vers l’aliénation mentale, sociale et forcément économique.

Sortir du moi blessé

S’il est important d’accepter ses limites, il est tout aussi important de ne pas s’identifier à ses limites. S’enfermer ou enfermer l’autre dans le rôle de victime perpétue le triangle infernal : sauveur, bourreau, victime qui entretient la maladie et conforte l’idée qu’on ne peut pas s’en sortir.

Nous sommes définitivement plus que nos défaillances, nos limites, nos maladies. Nous demeurons, en toute circonstances, des êtres d’évolution capable d’apprendre, de contribuer et d’être utile. Nous restons, malgré nos limites, des êtres vivants doués d’une conscience, responsables et utiles. Entretenir des rapports d’équivalence fondés sur cette vision positive de soi et des autres guérit. Comme le démontre les théories de la communication et notamment les travaux de l’école de Palo Alto 1 , le regard que l’on porte sur soi même ou les autres emprisonne ou libère.

Donner un sens à sa vie

Pour trouver l’énergie nécessaire au rétablissement, il faut voir la lumière au bout du tunnel. Cette lumière commence à briller lorsque la possibilité de formuler un projet donne à la personne une raison de se mettre en mouvement. Personne n’est assez insignifiant pour penser que sa vie n’a pas de sens. Il se peut que la perception de son propos de vie soit momentanément perdue, mais avec un peu d’investigation, l’aide et le soutien des autres, on peut redécouvrir une raison de vivre et de travailler. Celle-ci se situe toujours au-delà d’un ego blessé ou tout puissant.

Ce qui est vrai au plan individuel l’est aussi au plan de l’organisation. Pour mobiliser l’intelligence de ses collaborateurs, une organisation se doit de préciser sa vision du monde et sa mission dans ce monde. Les buts qui en découlent sont alors fédérateurs. Ils émergent du sentiment d’appartenance, renforcent les liens entre les différents acteurs et donnent un sens au travail en commun.

Se mettre au service des autres

Se mettre au service des autres découle naturellement du fait de donner un sens à sa vie. Le fondateur de la logothérapie, Victor Frankl 2 , a démontré qu’on ne guérit pas pour soi, mais pour être utile à d’autres.

Pour l’entreprise, il s’agit de servir à la fois les clients, les collaborateurs et les actionnaires. La satisfaction des besoins de ces trois grands acteurs de la vie organisationnelle représente l’équilibre qui lui confère sa santé.

Apprendre et évoluer

Quand on est engagé sur la voie de la réalisation de son projet de vie, tous les incidents de la vie quotidienne deviennent prétextes à apprendre et à approfondir le sens de son existence.

Faire de l’organisation un lieu d’éducation permanente s’inspire de cet idée que les incidents de la vie organisationnelle sont aussi éducatifs et qu’ils doivent servir de prétexte pour remettre en question nos façons de faire afin de s’ajuster aux besoins du moment.

Le mode sociocratique de gouvernance et le rétablissement

Le mode de gouvernance sociocratique s’inspire d’une vision qui pose l’art de vivre, la sagesse et la quête de bonheur au cœur de la vie politique et associative. La santé individuelle et sociale ne saurait se maintenir sans cet élan.

Le cercle lieu de rétablissement

Sachant que la maladie est le résultat d’un bris de communication qui nous bannit autant de nous-même que de nos semblables, il nous faut reconstruire cet espace social où nous pouvons nous réconcilier avec l’humanité grâce à l’expérience de l’équivalence. Le cercle sociocratique est à ce titre un lieu d’inclusion par excellence. Bien qu’inégaux, tous y sont considérés comme équivalents. Cet esprit d’équivalence aide chacun à accepter ses limites et à voir sa valeur et celle des autres avec les yeux du cœur.

Le cercle sociocratique, lieu de communion avec soi et les autres offre une robuste contribution au rétablissement de tous ses membres dans leur dignité d’esprit humain libre et responsable.

Le cercle offre aussi à ses membres un projet autour duquel ils peuvent mobiliser leurs énergies et participer à l’édification du monde dont ils rêvent.

Le consentement mutuel, condition de santé mentale

Apprendre à dire oui, apprendre à dire non, à poser ses limites, se sentir respecté, voilà autant de conditions pour faciliter le rétablissement des individus et du même coup augmenter la performance de nos organisations.

La vie de cercle oblige chacun à utiliser des arguments raisonnables pour se faire entendre au lieu du chantage et des menaces. De cette façon, il aide chacun à sortir de son rôle de victime pour négocier ses besoins ouvertement avec les autres.

Le second lien et l’éveil de l’esprit citoyen

La nomination d’un représentant du cercle au cercle supérieur n’est pas l’instigationd’un contre pouvoir. C’est plutôt un engagement des membres du cercle à se relier à la communauté plus large pour contribuer au bien général.

L’esprit citoyen ne peut vivre que si nous acceptons de soumettre nos décisions à une instance supérieure. Avec la nomination du second lien, c’est possible. Il n’y a en effet plus lieu de craindre d’être dominé par cette instance supérieure puisque les décisions y sont prises sur la base de consentement mutuel. Le second lien est là pour garantir les conditions de notre adhésion.

Changer nos pratiques de l’accompagnement sociale

« Occupez-vous moins de nous et occupez-vous davantage de la société qui produit des souffrances psychiques ». Voilà une demande que faisait un groupe de personnes souffrant de troubles psychiques à des travailleurs sociaux dans le cadre d’un séminaire où nous explorions ensemble la relation entre l’aidant et l’aidé, le professionnel de la santé mentale et le patient psychique. Nous croyons en effet qu’il serait bien plus efficace et beaucoup moins coûteux d’investir le champ du soin à la société plutôt que de créer des institutions-ghettos pour s’occuper des personnes devenues malades à cause d’une mauvaise organisation sociale.

Les structures traditionnelles aidant/aidé recréent symboliquement la relation dominant/dominé, ce qui ne facilite pas le rétablissement. Le mode de gouvernance sociocratique reconnaît le bienfondé de la hiérarchie tout en maintenant l’exigence que cette hiérarchie donne à chacun un pouvoir équivalent pour faire entendre sa voix.

C’est pourquoi, nous nous proposons de réfléchir à une actualisation des fonctionnements des réseaux traditionnels d’aide et de soin. Et si, en s’appuyant sur les principes du mode sociocratique de gouvernance, on intégrait au réseau secondaire composé de professionnels (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, art-thérapeutes, etc…) un représentant du réseau primaire composé du patient psychique, de ses proches et de son éventuel tuteur? Par la règle du second lien, le cercle du malade et de ses proches aurait un représentant dans le cercle des professionnels. Ne serions-nous pas en meilleure posture pour accompagner la personne souffrant de troubles psychiques vers le rétablissement ?

C’est en tout cas l’hypothèque que nous nous apprêtons à tester en Suisse romande. En 2011, le GRAAP veut trouver une nouvelle façon de redonner au proche du patient psychique le pouvoir qui doit être le sien dans le processus de rétablissement. À suivre…


Barbara Zbinden, TS, est citoyenne suisse. Elle est directrice de la Corrasp en Suisse Romande , consultante en développement des organisations et formatrice à l’École internationale des chefs. www.coraasp.ch

Gilles Charest, Mba, est canadien. Il est président de Sociogest, fondateur de l’École internationale des chefs, responsable de l’éduction au Centre mondial de sociocratie. www.sociogest.ca


1 L’École de Palo Alto est un courant de pensée et de recherche ayant pris le nom de la ville de Palo Alto en Californie, à partir du début des années 1950. On le cite en psychologie et psycho-sociologie ainsi qu’en sciences de l’information et de la communication. Ce courant est notamment à l’origine de la thérapie familiale et de la thérapie brève. Parmi ses principaux fondateurs on trouve Gregory BatesonDonald D. JacksonJohn WeaklandJay HaleyRichard FischWilliam Fry et Paul Watzlawick.

2 Frankl estime qu’une des principales causes de névrose est la perte de sens. Il défend la thèse selon laquelle l’inconscient est principalement d’essence spirituelle car “lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore”. Au-delà de l’instinct de plaisir, la nature profonde de l’Homme le conduit vers la réalisation morale. C’est dans son expérience des camps de concentration que Frankl a développé cette interrogation sur le sens.

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Nouvelles du 31 mai 2024 : 13è Café Prison – où investir nos impôts entre la prison ou l’établissement psychiatrique

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