suppression et non depression

La surpression et non la dépression

 

Au lieu de parler un peu de la dépression, j’aimerais parler de la surpression.

Comment se faisait-il que lorsque je touchais quelqu’un j’avais l’impression de toucher non pas quelqu’un qui était en dépressurisation mais quelqu’un qui était en surpression? J’avais l’impression que, chez un grand nombre de personnes qui souffraient, c’était comme si l’emballage était à une certaine distance de leur âme. Il y avait là un sas infranchissable. C’était l’espace de protection dont la personne avait besoin pour protéger quelque chose qu’elle avait besoin de cacher, quelque chose qu’elle croyait devoir cacher.

Et alors que je venais avec les meilleures intentions du monde, avec mes bons massages, j’étais quelqu’un de redoutable puisqu’au bout de cela, je risquais de toucher la petite fille odieuse, le vilain petit garçon qui ne disait pas bonjour, tous ces petits garçons et ces petites filles qui avaient bien compris la leçon et à qui on avait dit: «Surtout cela, ne le montre à personne, parce que si tu montres cela, on te jette, on ne te veut plus!»

Néanmoins, mon emballage se souvient, et il enkyste. C’est à la faveur d’un enkystement peut-être intensif, un peu encombrant que des passants viennent sur le chemin d’une physiothérapeute. Les gens ne viennent pas à ma porte en disant: «Bonjour, je suis dépressif.» Ils ont mal. Le corps le dit à leur place, le corps qui porte leur enkystement. D’ailleurs, heureusement qu’on est capable d’enkyster, de geler, de blinder. Magnifique! Pendant ce temps-là, on fait autre chose dans la vie. Mais il arrive un moment où ça devient trop lourd, où ça fait trop mal dans le corps, où les articulations deviennent trop limitées et où elles vont raconter l’histoire.

Puisque je parle de surpression, pour moi l’image évoquée est très souvent celle d’une montgolfière. Quelque chose au niveau énergétique se met en place. On va aller survaloriser, en nous aussi, ce qui est en fait la chose que l’on aime bien voir, ce qui rassure les gens autour de nous. Et je gonfle un peu, c’est un peu une gonflette. Alors je gonfle la partie qui donne toujours, je donne. Et comme cela, on installe une espèce de surpression. Ce n’est pas vraiment pathologique, au premier abord. Néanmoins, c’est une petite montgolfière qui s’installe, tranquille, mais elle s’installe.

Et puis un beau jour, chez celle qui fait toujours les gâteaux, chez celui qui dépanne toujours, il y a la petite phrase affreuse, qui fait mal: «Machin toujours en train de vouloir dépanner!» ou bien: «Celle-là, elle la ramène de nouveau avec ses gâteaux!» Cela fait mal, et cela donne un coup dans la montgolfière. Il y a là quelque chose qui dépressurise. Si, à ce moment-là, la personne fond en larmes, on ne comprend pas. «Mais, elle ne va pas se mettre à se plaindre, pas elle, elle n’en a pas l’habitude.» Déstabilisation forte. La personne elle-même ne sait pas du tout quoi faire avec cela. Les autres non plus. On dit: «C’est un épisode dépressif, dépression. Viens, on te donne un petit remontant et c’est reparti!»

C’était un petit rendez-vous, on aurait pu ne pas le manquer. On le manque souvent celui-là, parce qu’on est bien content qu’il y ait des gens comme cela autour de nous. Alors on les manque ces petits rendez-vous de ces gens qui sont en larmes. On ne les voit pas, cela ne nous arrange pas trop. Alors on manque ces petits rendez-vous qui auraient été des rendez-vous pas trop compliqués. Puis on regonfle la montgolfière encore plus, encore plus, et là, si un jour ça se dégonfle, ce sera plus fort.

Finalement, c’était bien d’avoir assumé la surpression plutôt que d’avoir sombré étant petit. On a au moins réussi à faire un petit bout avec cela, mais c’est bien aussi de pouvoir valoriser le chemin de la dépressurisation, qui est celui des retrouvailles avec cette petite partie de nous qu’on cachait là au fond.

 

Monique Assal

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La surpression et non la dépression

 

Au lieu de parler un peu de la dépression, j’aimerais parler de la surpression.

Comment se faisait-il que lorsque je touchais quelqu’un j’avais l’impression de toucher non pas quelqu’un qui était en dépressurisation mais quelqu’un qui était en surpression? J’avais l’impression que, chez un grand nombre de personnes qui souffraient, c’était comme si l’emballage était à une certaine distance de leur âme. Il y avait là un sas infranchissable. C’était l’espace de protection dont la personne avait besoin pour protéger quelque chose qu’elle avait besoin de cacher, quelque chose qu’elle croyait devoir cacher.

Et alors que je venais avec les meilleures intentions du monde, avec mes bons massages, j’étais quelqu’un de redoutable puisqu’au bout de cela, je risquais de toucher la petite fille odieuse, le vilain petit garçon qui ne disait pas bonjour, tous ces petits garçons et ces petites filles qui avaient bien compris la leçon et à qui on avait dit: «Surtout cela, ne le montre à personne, parce que si tu montres cela, on te jette, on ne te veut plus!»

Néanmoins, mon emballage se souvient, et il enkyste. C’est à la faveur d’un enkystement peut-être intensif, un peu encombrant que des passants viennent sur le chemin d’une physiothérapeute. Les gens ne viennent pas à ma porte en disant: «Bonjour, je suis dépressif.» Ils ont mal. Le corps le dit à leur place, le corps qui porte leur enkystement. D’ailleurs, heureusement qu’on est capable d’enkyster, de geler, de blinder. Magnifique! Pendant ce temps-là, on fait autre chose dans la vie. Mais il arrive un moment où ça devient trop lourd, où ça fait trop mal dans le corps, où les articulations deviennent trop limitées et où elles vont raconter l’histoire.

Puisque je parle de surpression, pour moi l’image évoquée est très souvent celle d’une montgolfière. Quelque chose au niveau énergétique se met en place. On va aller survaloriser, en nous aussi, ce qui est en fait la chose que l’on aime bien voir, ce qui rassure les gens autour de nous. Et je gonfle un peu, c’est un peu une gonflette. Alors je gonfle la partie qui donne toujours, je donne. Et comme cela, on installe une espèce de surpression. Ce n’est pas vraiment pathologique, au premier abord. Néanmoins, c’est une petite montgolfière qui s’installe, tranquille, mais elle s’installe.

Et puis un beau jour, chez celle qui fait toujours les gâteaux, chez celui qui dépanne toujours, il y a la petite phrase affreuse, qui fait mal: «Machin toujours en train de vouloir dépanner!» ou bien: «Celle-là, elle la ramène de nouveau avec ses gâteaux!» Cela fait mal, et cela donne un coup dans la montgolfière. Il y a là quelque chose qui dépressurise. Si, à ce moment-là, la personne fond en larmes, on ne comprend pas. «Mais, elle ne va pas se mettre à se plaindre, pas elle, elle n’en a pas l’habitude.» Déstabilisation forte. La personne elle-même ne sait pas du tout quoi faire avec cela. Les autres non plus. On dit: «C’est un épisode dépressif, dépression. Viens, on te donne un petit remontant et c’est reparti!»

C’était un petit rendez-vous, on aurait pu ne pas le manquer. On le manque souvent celui-là, parce qu’on est bien content qu’il y ait des gens comme cela autour de nous. Alors on les manque ces petits rendez-vous de ces gens qui sont en larmes. On ne les voit pas, cela ne nous arrange pas trop. Alors on manque ces petits rendez-vous qui auraient été des rendez-vous pas trop compliqués. Puis on regonfle la montgolfière encore plus, encore plus, et là, si un jour ça se dégonfle, ce sera plus fort.

Finalement, c’était bien d’avoir assumé la surpression plutôt que d’avoir sombré étant petit. On a au moins réussi à faire un petit bout avec cela, mais c’est bien aussi de pouvoir valoriser le chemin de la dépressurisation, qui est celui des retrouvailles avec cette petite partie de nous qu’on cachait là au fond.

 

Monique Assal

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24 avril 2024

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