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Les mouvements d’usagers, un exemple suisse

Exposé donné par Robert Joosten dans le cadre du XIVe colloque de l’AQRP (Association québécoise pour la réadaptation psychosociale)
«Rétablissement et citoyenneté dans l’espace francophone», Château Mont-Sainte-Anne (Québec), octobre 2008.

Introduction

Bonjour, je m’appelle Robert Joosten et je vais vous parler des mouvements d’usagers en Suisse et plus particulièrement du GRAAP (Groupe romand d’accueil et d’action psychiatrique) que je représente. Le terme romand désigne la partie francophone de la Suisse.

J’ai 35 ans, je suis mathématicien de formation et je suis au bénéfice d’une rente d’invalidité depuis plusieurs années en raison de troubles schizo-affectifs.
Je travaille à 50% au GRAAP : le modeste salaire que je touche vient en complément de ma rente. J’ai principalement deux tâches au GRAAP : je suis responsable de la gestion de notre site web et je m’occupe du suivi de la politique sociale. Cela tombe bien, car la politique est un sujet qui me passionne (je suis par ailleurs membre du Parti socialiste suisse). Dans le cadre de mon travail, j’ai coordonné l’engagement du GRAAP dans la lutte contre la 5ème révision de l’AI. Il s’agissait d’un changement législatif porté par la droite qui visait à économiser de l’argent dans l’assurance-invalidité au détriment des personnes invalides. Ceux d’entre vous qui avez participé à mon atelier hier en connaissent tous les tenants et aboutissements.En raison de cet engagement, j’ai eu le privilège d’être choisi par notre comité pour représenter le GRAAP lors de ce congrès.

Les débuts du GRAAP

Il est temps d’en dire un peu plus sur le GRAAP. Notre association a été fondée à la fin des années 80, dans un contexte bien différent de celui d’aujourd’hui. A l’époque, la durée moyenne de l’hospitalisation psychiatrique se comptait en années et il n’y avait pas de lieu alternatif à l’hôpital. Les patients psys n’étaient pas considérés comme des citoyens à part entière : dès sa création, le GRAAP a revendiqué la citoyenneté pour les «fous» comme en atteste la phrase suivante (publiée dans le premier numéro de notre journal Tout Comme Vous) : «Tout comme vous, nous sommes un peu fous, nous sommes un peu sains, mais nous avons tous la qualité de citoyen du monde, ce n’est qu’une question de quantité de santé, mais nous avons tous la qualité d’être humain».
Nous sommes donc en plein dans le thème de ce congrès.

Pour le GRAAP, tout a commencé au mois de janvier de l’année 1987 à Lausanne (une ville suisse de 130’000 habitants), sous l’impulsion de Madeleine Pont, présente ici-même. Cette dernière, alors assistante sociale au secrétariat romand de la Fondation suisse Pro Mente Sana, invite, le 14 janvier, sept personnes souffrant de troubles psychiques et deux personnes proches de patients à se rencontrer. Face aux problèmes exprimés dans les entretiens individuels, elle ne voit en effet pas d’autre solution que de rassembler les gens concernés pour trouver ensemble des solutions. A la suite de cette première séance, le groupe décide de se rencontrer tous les mercredis soir. Un premier procès-verbal est rédigé, il s’intitule «Le Rapporteur». Les buts généraux du groupe sont fixés.

Je vais vous lire les buts du GRAAP (qui n’ont pas changé depuis sa fondation) :

  • Accueillir, dans un esprit d’entraide et de solidarité, toute personne confrontée à des difficultés psychiques.
  • Défendre les intérêts et les droits des personnes en difficulté psychique.
  • Offrir un lieu de rencontre où l’on peut toujours trouver quelqu’un à qui parler.
  • Fournir aux membres la possibilité de réaliser un travail, une occupation intéressante et directement utile.
  • Proposer la réalisation de projets qui permettent aux membres de prendre des responsabilités.
  • Organiser des activités d’ordre culturel qui favorisent l’ouverture aux autres et sur la ville.

Entre ce moment fondateur en 1987 et aujourd’hui, 21 ans se sont passés et le GRAAP s’est beaucoup développé. Il est passé de 10 à plus de 1000 membres. Il s’est rapidement constitué en association sans buts lucratifs, avec des statuts, une assemblée générale et un comité composé uniquement de personnes concernées par la psychiatrie. Aujourd’hui, c’est toujours le cas : le comité compte 10 membres souffrant de maladie psychique et 2 proches.

Les ateliers protégés

Le GRAAP, en tant que mouvement d’usagers, cherchait à aider ses membres à trouver des solutions à leurs problèmes (tels que l’enui, le sentiment d’inutilité, le manque de structuration des journées, etc.). Il les a très tôt mobilisés dans des activités utiles et intéressantes, pour eux-mêmes et pour les autres. Il faut dire qu’à l’époque, les patients psys qui souhaitaient s’occuper ne trouvaient pas vraiment leur compte dans les ateliers protégés existants.Ainsi, le GRAAP a vu naître son premier atelier protégé, réservé aux personnes bénéficiant d’une rente AI (invalidité) pour raisons psychiques. Il s’agit d’un atelier assumant des tâches de bureau comme le secrétariat et la mise sous pli. Cet atelier existe toujours et porte le nom d’Atelier Bureau.
Un an plus tard, le GRAAP a ouvert son premier restaurant, Au Grain de Sel, qui fonctionne également comme atelier protégé. Ce restaurant existe toujours, même s’il n’occupe plus le même emplacement qu’au début.

Aujourd’hui, le GRAAP compte 12 ateliers, actifs dans les domaines les plus variés, employant environ 450 travailleurs AI (c’est-à-dire des travailleurs bénéficiant d’une rente d’invalidité). Voici la liste des ateliers et leurs domaines d’activités :

  • ABC-Tissus (buanderie, couture)
  • Artibric (menuiserie, déménagements, artisanat créatif)
  • Au Grain de Sel (restaurant)
  • Bibliothèque
  • Bureau (mise sous pli, secrétariat, informatique, messagerie)
  • Corporella (salon de coiffure)
  • Cybermag (kiosque et cybercafé sur le site d’un hôpital psychiatrique)
  • La Roselière – antenne locale à Yverdon (restaurant, artisanat, messagerie, etc.)
  • La Berge – antenne locale à Nyon (restauration, mise sous pli, messagerie, ateliers créatifs, etc.)
  • La Rive – antenne locale à Montreux (restauration, mise sous pli, messagerie, artisanat, etc.)
  • ScanTeam (numérisation de pièces d’état-civil pour l’administration vaudoise)
  • Service social, Entraide, Animation
Le GRAAP au fil du temps

En 1990, le GRAAP engage ses 4 premiers salariés : deux personnes pour accompagner les travailleurs du restaurant Au Grain de Sel, une coordinatrice (Mme Pont ici présente) et un animateur, tous à temps partiel. Aujourd’hui, notre association compte 68 salariés, dont plus de la moitié sont des travailleurs sociaux (maîtres socio-professionnels pour la gestion des ateliers et assistants sociaux). Ainsi, à côté d’une structure associative basée sur l’entraide et le bénévolat s’est développée une structure professionnelle dont l’activité vise à soutenir et catalyser l’entraide. Parmi ces salariés, quelques uns comme moi sont au bénéfice d’une rente d’invalidité. Le GRAAP participe ainsi activement à la réinsertion professionnelle de personnes souffrant d’une affection psychique.

Le GRAAP, fondé à Lausanne, a peu à peu essaimé dans le canton de Vaud (la région dont Lausanne est la capitale). Des antennes locales ont été ouvertes entre 1997 et 2000 dans les 4 villes de taille moyenne que sont Yverdon, Nyon, Prilly et Montreux. Notre association a aussi fait des émules en dehors du canton : l’ANAAP (Association neuchâteloise d’Accueil et d’Action psychiatrique) à Neuchâtel et l’AFAAP (Association fribourgeoise d’action et d’accompagnement psychiatrique) à Fribourg ont en effet été fondées sur le même concept que le GRAAP.

En 1990, le GRAAP a organisé son premier congrès sur le thème «La schizophrénie, en savoir plus». Ce congrès a rassemblé 450 personnes (patients, proches et professionnels). Depuis le congrès du GRAAP se tient chaque année au printemps. Il est organisé par une équipe comprenant des usagers, des proches et des professionnels du GRAAP. Des orateurs de qualité (professionnels de la santé, politiciens, écrivains, etc.) s’y expriment et le public accourt souvent nombreux. Cette année, le congrès a eu lieu au mois de mai et avait comme thème «Maladies psychiques, la force de la relation».

Aujourd’hui, le GRAAP propose de nombreuses activités. Outre les ateliers déjà évoqués, il y a des services sociaux dans chaque antenne, plusieurs groupes de parole (entraide, proches), des animations de toutes sortes (sportives, artistiques, culturelles, ludiques), des conférences, des fêtes, des camps de loisirs. Et ce n’est qu’un aperçu très incomplet.

Le GRAAP publie aussi depuis 1987 un magazine de santé mentale qui s’appelle Diagonales aujourd’hui. Tiré à 2750 exemplaires, conçu par une petite équipe de salariés, de travailleurs AI, de stagiaires et de pigistes, ce journal est devenu une référence dans le domaine en Suisse romande.

Les activités militantes du GRAAP

Le GRAAP a depuis le début une activité militante. Il s’est entre autres battu pour l’accès des patients à leur dossier médical, contre l’attachement des patients psychiques à leur lit, contre la contention en général. Le canton de Vaud a invité notre association à participer à une commission pour la révision de la loi vaudoise sur la santé publique, reconnaissant ainsi au GRAAP un rôle d’expert dans le domaine.
Le GRAAP a également pris part à la commission fédérale «Politique nationale de la santé» par le biais de deux usagers.

Plus récemment, il a participé activement à la campagne contre la 5ème révision de LAI dont je vous ai parlé au début de mon exposé. Il a aussi participé à des groupes de travail sur la rénovation et l’agrandissement du principal hôpital psychiatrique du canton.

Les autres mouvements d’usagers en Suisse romande

Jusqu’à présent, ma présentation est très centrée sur le GRAAP. Mais je vais aussi vous parler des autres mouvements d’usagers en Suisse romande.

En général, les mouvements d’usagers suivent les frontières linguistiques et cantonales. Il n’y a pas de mouvement d’usager de la psychiatrie active sur tout le territoire suisse. Même en Suisse romande, la plupart des associations ne sont actives que dans un seul canton. Il y a bien une association faîtière romande, la CORAASP (Coordination romande des associations d’action en santé psychique), qui regroupe une partie de ces associations et dont je vous reparlerai un peu plus tard.

Il y a grosso modo deux types d’associations d’usagers : les associations généralistes et les associations spécialisées.
Dans le canton de Vaud, le GRAAP s’intéresse à toutes les personnes concernées par la maladie psychique (patients et proches), quelle que soit le type de maladie. Nous sommes donc une association généraliste. De même, dans les cantons de Neuchâtel, Fribourg, Valais et Genève, l’ANAAP, l’AFAAP, l’AVEP (Association valaisanne d’entraide psychiatrique) et l’Association Parole ont une mission semblable.
En revanche, il y a aussi des associations d’usagers qui se concentrent sur certaines pathologies comme ABA (Association Boulimie et Anorexie), ATB&D (Association de personnes ayant un trouble de l’humeur, bipolaire ou dépressif), Anxietas (Association d’entraide pour les personnes souffrants de troubles anxieux et dépressifs), le R.E.E.V. (Réseau d’Entraide des Entendeur de Voix), AETOC (Association d’entraide de personnes souffrant de troubles obsessionnels-compulsifs), ou l’association A la limite (Association d’aide aux personnes touchées par le trouble de la personnalité Borderline). Ces associations sont en général actives dans une grande ville comme Genève ou Lausanne.

De la CORAP à la CORAASP

Pour lutter contre la maladie, vous savez que l’union fait la force. Au fur à mesure de l’émergence de groupes de patients, le besoin d’être ensemble pour programmer une action commune s’est fait sentir.
Ainsi, en 1993, quelques associations romandes (dont le GRAAP) ont décidé de se fédérer pour promouvoir une psychiatrie humaniste qui ouvre l’accès pour tous à la citoyenneté et à des rôles sociaux. C’est ainsi que la CORAP (Coordination romande d’action psychiatrique), ancêtre de la CORAASP, est née.
La plupart des associations d’usagers sont plus ou moins largement soutenues financièrement par la Confédération, les cantons et les communes. Au niveau fédéral, il y a un organe, l’OFAS (Office fédéral des assurances sociales), qui, entre autres tâches, subventionne les différentes institutions.
A la fin des années 90, L’OFAS s’est réorganisée et a décidé d’octroyer les subsides à 60 associations faîtières plutôt qu’à 600 organismes, tels que le GRAAP, répartis dans toute la Suisse. Ainsi, la CORAP était un noyau tout à fait indiqué pour qu’il se constitue en association faîtière. De là est née la CORAASP en 1999. La CORAASP regroupe aujourd’hui 19 associations (mais pas toutes ne sont des associations d’usagers ou d’entraide à proprement parler).

Les activités de la CORAASP

Au fil des années, la CORAASP a développé différentes activités propres comme l’organisation de la Journée mondiale de la santé mentale chaque 10 octobre (c’est aujourd’hui et ça a lieu exactement au moment où je vous parle, sur le thème «Jouons ensemble, c’est bon pour la santé»), l’organisation d’une journée de débats et d’ateliers à l’occasion de l’assemblée générale. La CORAASP réfléchit actuellement à un concept de formation pour ses membres. Elle a déjà mis sur pied des séminaires, en particulier une formation au mode de gouvernance sociocratique pour les organisations du domaine de la santé psychique. Si je ne m’abuse, le concept de sociocratie ne doit pas vous être étranger ici au Québec.

La CORAASP s’engage aussi pas mal sur le plan politique. Elle a une commission de politique sociale qui se réunit 4 ou 5 fois par année et à laquelle je participe. Actuellement, nous sommes 4 dans cette commission. Il y a également un autre usager dans l’équipe. Cette commission étudie les différents dossiers politiques importants ayant un lien avec la santé mentale. Ces dernières années, la commission a été très occupée par la révision de la 5ème révision de la LAI (loi sur l’assurance-invalidité), entre la consultation, le référendum et la campagne de votation.

Conclusion

J’aurais encore beaucoup de choses à vous raconter sur le GRAAP et la CORAASP, mais j’arrive au bout du temps réglementaire. Je vous remercie de votre attention et reste à votre disposition si pour d’éventuelles questions.

Robert Joosten, 10 octobre 2008

Capture d’écran 2019-07-22 à 13.51.23

Les mouvements d’usagers, un exemple suisse

Exposé donné par Robert Joosten dans le cadre du XIVe colloque de l’AQRP (Association québécoise pour la réadaptation psychosociale)
«Rétablissement et citoyenneté dans l’espace francophone», Château Mont-Sainte-Anne (Québec), octobre 2008.

Introduction

Bonjour, je m’appelle Robert Joosten et je vais vous parler des mouvements d’usagers en Suisse et plus particulièrement du GRAAP (Groupe romand d’accueil et d’action psychiatrique) que je représente. Le terme romand désigne la partie francophone de la Suisse.

J’ai 35 ans, je suis mathématicien de formation et je suis au bénéfice d’une rente d’invalidité depuis plusieurs années en raison de troubles schizo-affectifs.
Je travaille à 50% au GRAAP : le modeste salaire que je touche vient en complément de ma rente. J’ai principalement deux tâches au GRAAP : je suis responsable de la gestion de notre site web et je m’occupe du suivi de la politique sociale. Cela tombe bien, car la politique est un sujet qui me passionne (je suis par ailleurs membre du Parti socialiste suisse). Dans le cadre de mon travail, j’ai coordonné l’engagement du GRAAP dans la lutte contre la 5ème révision de l’AI. Il s’agissait d’un changement législatif porté par la droite qui visait à économiser de l’argent dans l’assurance-invalidité au détriment des personnes invalides. Ceux d’entre vous qui avez participé à mon atelier hier en connaissent tous les tenants et aboutissements.En raison de cet engagement, j’ai eu le privilège d’être choisi par notre comité pour représenter le GRAAP lors de ce congrès.

Les débuts du GRAAP

Il est temps d’en dire un peu plus sur le GRAAP. Notre association a été fondée à la fin des années 80, dans un contexte bien différent de celui d’aujourd’hui. A l’époque, la durée moyenne de l’hospitalisation psychiatrique se comptait en années et il n’y avait pas de lieu alternatif à l’hôpital. Les patients psys n’étaient pas considérés comme des citoyens à part entière : dès sa création, le GRAAP a revendiqué la citoyenneté pour les «fous» comme en atteste la phrase suivante (publiée dans le premier numéro de notre journal Tout Comme Vous) : «Tout comme vous, nous sommes un peu fous, nous sommes un peu sains, mais nous avons tous la qualité de citoyen du monde, ce n’est qu’une question de quantité de santé, mais nous avons tous la qualité d’être humain».
Nous sommes donc en plein dans le thème de ce congrès.

Pour le GRAAP, tout a commencé au mois de janvier de l’année 1987 à Lausanne (une ville suisse de 130’000 habitants), sous l’impulsion de Madeleine Pont, présente ici-même. Cette dernière, alors assistante sociale au secrétariat romand de la Fondation suisse Pro Mente Sana, invite, le 14 janvier, sept personnes souffrant de troubles psychiques et deux personnes proches de patients à se rencontrer. Face aux problèmes exprimés dans les entretiens individuels, elle ne voit en effet pas d’autre solution que de rassembler les gens concernés pour trouver ensemble des solutions. A la suite de cette première séance, le groupe décide de se rencontrer tous les mercredis soir. Un premier procès-verbal est rédigé, il s’intitule «Le Rapporteur». Les buts généraux du groupe sont fixés.

Je vais vous lire les buts du GRAAP (qui n’ont pas changé depuis sa fondation) :

  • Accueillir, dans un esprit d’entraide et de solidarité, toute personne confrontée à des difficultés psychiques.
  • Défendre les intérêts et les droits des personnes en difficulté psychique.
  • Offrir un lieu de rencontre où l’on peut toujours trouver quelqu’un à qui parler.
  • Fournir aux membres la possibilité de réaliser un travail, une occupation intéressante et directement utile.
  • Proposer la réalisation de projets qui permettent aux membres de prendre des responsabilités.
  • Organiser des activités d’ordre culturel qui favorisent l’ouverture aux autres et sur la ville.

Entre ce moment fondateur en 1987 et aujourd’hui, 21 ans se sont passés et le GRAAP s’est beaucoup développé. Il est passé de 10 à plus de 1000 membres. Il s’est rapidement constitué en association sans buts lucratifs, avec des statuts, une assemblée générale et un comité composé uniquement de personnes concernées par la psychiatrie. Aujourd’hui, c’est toujours le cas : le comité compte 10 membres souffrant de maladie psychique et 2 proches.

Les ateliers protégés

Le GRAAP, en tant que mouvement d’usagers, cherchait à aider ses membres à trouver des solutions à leurs problèmes (tels que l’enui, le sentiment d’inutilité, le manque de structuration des journées, etc.). Il les a très tôt mobilisés dans des activités utiles et intéressantes, pour eux-mêmes et pour les autres. Il faut dire qu’à l’époque, les patients psys qui souhaitaient s’occuper ne trouvaient pas vraiment leur compte dans les ateliers protégés existants.Ainsi, le GRAAP a vu naître son premier atelier protégé, réservé aux personnes bénéficiant d’une rente AI (invalidité) pour raisons psychiques. Il s’agit d’un atelier assumant des tâches de bureau comme le secrétariat et la mise sous pli. Cet atelier existe toujours et porte le nom d’Atelier Bureau.
Un an plus tard, le GRAAP a ouvert son premier restaurant, Au Grain de Sel, qui fonctionne également comme atelier protégé. Ce restaurant existe toujours, même s’il n’occupe plus le même emplacement qu’au début.

Aujourd’hui, le GRAAP compte 12 ateliers, actifs dans les domaines les plus variés, employant environ 450 travailleurs AI (c’est-à-dire des travailleurs bénéficiant d’une rente d’invalidité). Voici la liste des ateliers et leurs domaines d’activités :

  • ABC-Tissus (buanderie, couture)
  • Artibric (menuiserie, déménagements, artisanat créatif)
  • Au Grain de Sel (restaurant)
  • Bibliothèque
  • Bureau (mise sous pli, secrétariat, informatique, messagerie)
  • Corporella (salon de coiffure)
  • Cybermag (kiosque et cybercafé sur le site d’un hôpital psychiatrique)
  • La Roselière – antenne locale à Yverdon (restaurant, artisanat, messagerie, etc.)
  • La Berge – antenne locale à Nyon (restauration, mise sous pli, messagerie, ateliers créatifs, etc.)
  • La Rive – antenne locale à Montreux (restauration, mise sous pli, messagerie, artisanat, etc.)
  • ScanTeam (numérisation de pièces d’état-civil pour l’administration vaudoise)
  • Service social, Entraide, Animation
Le GRAAP au fil du temps

En 1990, le GRAAP engage ses 4 premiers salariés : deux personnes pour accompagner les travailleurs du restaurant Au Grain de Sel, une coordinatrice (Mme Pont ici présente) et un animateur, tous à temps partiel. Aujourd’hui, notre association compte 68 salariés, dont plus de la moitié sont des travailleurs sociaux (maîtres socio-professionnels pour la gestion des ateliers et assistants sociaux). Ainsi, à côté d’une structure associative basée sur l’entraide et le bénévolat s’est développée une structure professionnelle dont l’activité vise à soutenir et catalyser l’entraide. Parmi ces salariés, quelques uns comme moi sont au bénéfice d’une rente d’invalidité. Le GRAAP participe ainsi activement à la réinsertion professionnelle de personnes souffrant d’une affection psychique.

Le GRAAP, fondé à Lausanne, a peu à peu essaimé dans le canton de Vaud (la région dont Lausanne est la capitale). Des antennes locales ont été ouvertes entre 1997 et 2000 dans les 4 villes de taille moyenne que sont Yverdon, Nyon, Prilly et Montreux. Notre association a aussi fait des émules en dehors du canton : l’ANAAP (Association neuchâteloise d’Accueil et d’Action psychiatrique) à Neuchâtel et l’AFAAP (Association fribourgeoise d’action et d’accompagnement psychiatrique) à Fribourg ont en effet été fondées sur le même concept que le GRAAP.

En 1990, le GRAAP a organisé son premier congrès sur le thème «La schizophrénie, en savoir plus». Ce congrès a rassemblé 450 personnes (patients, proches et professionnels). Depuis le congrès du GRAAP se tient chaque année au printemps. Il est organisé par une équipe comprenant des usagers, des proches et des professionnels du GRAAP. Des orateurs de qualité (professionnels de la santé, politiciens, écrivains, etc.) s’y expriment et le public accourt souvent nombreux. Cette année, le congrès a eu lieu au mois de mai et avait comme thème «Maladies psychiques, la force de la relation».

Aujourd’hui, le GRAAP propose de nombreuses activités. Outre les ateliers déjà évoqués, il y a des services sociaux dans chaque antenne, plusieurs groupes de parole (entraide, proches), des animations de toutes sortes (sportives, artistiques, culturelles, ludiques), des conférences, des fêtes, des camps de loisirs. Et ce n’est qu’un aperçu très incomplet.

Le GRAAP publie aussi depuis 1987 un magazine de santé mentale qui s’appelle Diagonales aujourd’hui. Tiré à 2750 exemplaires, conçu par une petite équipe de salariés, de travailleurs AI, de stagiaires et de pigistes, ce journal est devenu une référence dans le domaine en Suisse romande.

Les activités militantes du GRAAP

Le GRAAP a depuis le début une activité militante. Il s’est entre autres battu pour l’accès des patients à leur dossier médical, contre l’attachement des patients psychiques à leur lit, contre la contention en général. Le canton de Vaud a invité notre association à participer à une commission pour la révision de la loi vaudoise sur la santé publique, reconnaissant ainsi au GRAAP un rôle d’expert dans le domaine.
Le GRAAP a également pris part à la commission fédérale «Politique nationale de la santé» par le biais de deux usagers.

Plus récemment, il a participé activement à la campagne contre la 5ème révision de LAI dont je vous ai parlé au début de mon exposé. Il a aussi participé à des groupes de travail sur la rénovation et l’agrandissement du principal hôpital psychiatrique du canton.

Les autres mouvements d’usagers en Suisse romande

Jusqu’à présent, ma présentation est très centrée sur le GRAAP. Mais je vais aussi vous parler des autres mouvements d’usagers en Suisse romande.

En général, les mouvements d’usagers suivent les frontières linguistiques et cantonales. Il n’y a pas de mouvement d’usager de la psychiatrie active sur tout le territoire suisse. Même en Suisse romande, la plupart des associations ne sont actives que dans un seul canton. Il y a bien une association faîtière romande, la CORAASP (Coordination romande des associations d’action en santé psychique), qui regroupe une partie de ces associations et dont je vous reparlerai un peu plus tard.

Il y a grosso modo deux types d’associations d’usagers : les associations généralistes et les associations spécialisées.
Dans le canton de Vaud, le GRAAP s’intéresse à toutes les personnes concernées par la maladie psychique (patients et proches), quelle que soit le type de maladie. Nous sommes donc une association généraliste. De même, dans les cantons de Neuchâtel, Fribourg, Valais et Genève, l’ANAAP, l’AFAAP, l’AVEP (Association valaisanne d’entraide psychiatrique) et l’Association Parole ont une mission semblable.
En revanche, il y a aussi des associations d’usagers qui se concentrent sur certaines pathologies comme ABA (Association Boulimie et Anorexie), ATB&D (Association de personnes ayant un trouble de l’humeur, bipolaire ou dépressif), Anxietas (Association d’entraide pour les personnes souffrants de troubles anxieux et dépressifs), le R.E.E.V. (Réseau d’Entraide des Entendeur de Voix), AETOC (Association d’entraide de personnes souffrant de troubles obsessionnels-compulsifs), ou l’association A la limite (Association d’aide aux personnes touchées par le trouble de la personnalité Borderline). Ces associations sont en général actives dans une grande ville comme Genève ou Lausanne.

De la CORAP à la CORAASP

Pour lutter contre la maladie, vous savez que l’union fait la force. Au fur à mesure de l’émergence de groupes de patients, le besoin d’être ensemble pour programmer une action commune s’est fait sentir.
Ainsi, en 1993, quelques associations romandes (dont le GRAAP) ont décidé de se fédérer pour promouvoir une psychiatrie humaniste qui ouvre l’accès pour tous à la citoyenneté et à des rôles sociaux. C’est ainsi que la CORAP (Coordination romande d’action psychiatrique), ancêtre de la CORAASP, est née.
La plupart des associations d’usagers sont plus ou moins largement soutenues financièrement par la Confédération, les cantons et les communes. Au niveau fédéral, il y a un organe, l’OFAS (Office fédéral des assurances sociales), qui, entre autres tâches, subventionne les différentes institutions.
A la fin des années 90, L’OFAS s’est réorganisée et a décidé d’octroyer les subsides à 60 associations faîtières plutôt qu’à 600 organismes, tels que le GRAAP, répartis dans toute la Suisse. Ainsi, la CORAP était un noyau tout à fait indiqué pour qu’il se constitue en association faîtière. De là est née la CORAASP en 1999. La CORAASP regroupe aujourd’hui 19 associations (mais pas toutes ne sont des associations d’usagers ou d’entraide à proprement parler).

Les activités de la CORAASP

Au fil des années, la CORAASP a développé différentes activités propres comme l’organisation de la Journée mondiale de la santé mentale chaque 10 octobre (c’est aujourd’hui et ça a lieu exactement au moment où je vous parle, sur le thème «Jouons ensemble, c’est bon pour la santé»), l’organisation d’une journée de débats et d’ateliers à l’occasion de l’assemblée générale. La CORAASP réfléchit actuellement à un concept de formation pour ses membres. Elle a déjà mis sur pied des séminaires, en particulier une formation au mode de gouvernance sociocratique pour les organisations du domaine de la santé psychique. Si je ne m’abuse, le concept de sociocratie ne doit pas vous être étranger ici au Québec.

La CORAASP s’engage aussi pas mal sur le plan politique. Elle a une commission de politique sociale qui se réunit 4 ou 5 fois par année et à laquelle je participe. Actuellement, nous sommes 4 dans cette commission. Il y a également un autre usager dans l’équipe. Cette commission étudie les différents dossiers politiques importants ayant un lien avec la santé mentale. Ces dernières années, la commission a été très occupée par la révision de la 5ème révision de la LAI (loi sur l’assurance-invalidité), entre la consultation, le référendum et la campagne de votation.

Conclusion

J’aurais encore beaucoup de choses à vous raconter sur le GRAAP et la CORAASP, mais j’arrive au bout du temps réglementaire. Je vous remercie de votre attention et reste à votre disposition si pour d’éventuelles questions.

Robert Joosten, 10 octobre 2008

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