nouvelles du 13 mars 2023

Prison : Une psychiatrie à deux vitesses– Nouvelles du Collectif 59 du GRAAP

La prison n’étant pas un lieu de soins, l’Action Maladie Psychique et Prison (AMPP) se bat pour que les personnes atteintes de troubles mentaux aient accès aux soins dont ils ont besoin et soient placées dans des institutions spécifiques. AMPP veille au respect de la Convention européenne des droits humains et des Règles Nelson Mandela. Convention et Règles qui ne sont pas respectées, particulièrement dans le canton de Vaud, où 61 personnes sont détenues en prison pour l’exécution d’une mesure 59 Code pénal, à défaut d’établissements appropriés et où la logique carcérale l’emporte largement sur la logique thérapeutique.

Le «Collectif 59», a été créé en août 2021 pour dévoiler à un plus large public, les conditions d’exécution d’une mesure thérapeutique en prison. En un premier temps, Christian* accompagné de ses proches s’est engagé activement pour témoigner de son parcours. Les 16 premières « Nouvelles » racontent les événements significatifs de ce parcours. À partir de cette 17ème lettre, Raphaël* et ses proches sortent aussi de l’ombre et viennent en renfort dans notre équipe.

Aux personnes intéressées et/ou concernées par les activités et thématiques du Graap-Association,
À nos partenaires psychosociaux et politiques,
À vous qui soutenez le Collectif 59,

Madame, Monsieur, Chère et Cher Ami-e, 

Concernant l’affaire Christian*,  la Juge d’application des peines a rendu son verdict. Défiant les règles de la proportionnalité, entre autres, elle a décidé de reporter encore la libération conditionnelle et de maintenir Christian astreint à l’article 59. Malgré tout, et très certainement, nous allons pouvoir vous donner de bonnes nouvelles avant Pâques

Dans les Nouvelles du Collectif 59 du 16 décembre 2022, nous vous informions du dépôt d’une dénonciation à la Commission cantonale des plaintes par les parents/curateur de Raphaël*. Le traitement de cette plainte est toujours en cours. Les parents/curateur adressaient en même temps, copie de cette dénonciation au Médecin cantonal.

Il y a peut-être lieu de préciser le cahier des charges des trois organes qui sont chargés par l’Etat de Vaud d’examiner et de donner suite aux plaintes de patients vaudois. Le droit concernant la santé est le même pour tous, que les patients soient ou non détenus en prison. 

1. Commission d’examen des plaintes des patients, résidents ou usagers d’établissements sanitaires et d’établissements socio-éducatifs – VD.CH.(COP)

– La COP veille au respect des droits des patients inscrits dans la Loi sur la santé public. Dès lors, ce sont uniquement les professionnel-le-s de la santé, les établissements et les institutions dont la mission est sanitaire qui peuvent être mis en cause cette  Commission.

– La COP veille aussi au respect des droits des résidents ou usagers d’établissements sanitaires et/ou socio-éducatifs, au sens de la Loi sur les mesures d’aide et d’intégration pour les personnes handicapées (LAIH).

Les établissements pénitentiaires, quels qu’ils soient, ne sont pas considérés comme une institution de soins, ni comme une institution socio-éducative par la LAIH. En conséquence, il en découle que des plaintes ou des dénonciations concernant la prise en charge -ou l’absence de prise en charge-  socio-éducative des patients détenus en prison ne peuvent être traitées par la COP.

C’est donc une évidence pour le législateur que la prison n’est pas reconnue comme un lieu d’aide à l’intégration. Alors, POURQUOI, la Justice et l’Office d’exécution des peines s’évertuent-ils toujours et encore à considérer la prison comme une institution offrant des traitements psychiatriques ? La prison, où l’on se contente de la présence d’agents de détention en guise de soutien psycho-socio-éducatif ?

Les patients ayant commis une infraction qui justifie ou non une sanction pénale et qui sont astreints à une mesure thérapeutique sont donc voués, dans le Canton de Vaud, à recevoir des soins psychiatriques uniquement ambulatoires dans un lieu particulièrement inapproprié pour le rétablissement de la santé qu’est la prison. La prison avec ses murs, ses barbelés, ses cachots et sa violence intrinsèque.

Si ça, ce n’est pas une psychiatrie à deux vitesses, alors que penser de la qualité de la psychiatrie publique de notre canton ?

Rappel de l’article 59 du Code pénal suisse : 

Alinéa 1 :

Lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, le juge peut
ordonner un traitement institutionnel…

Alinéa 2 :

Le traitement institutionnel s’effectue dans un établissement psychiatrique approprié …

Alinéa 3 :

Le traitement (…)  peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l’art. 76, al. 2, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié.

2.L’Office du Médecin cantonal

– Cet Office intervient notamment dans les droits des patients, la protection des populations vulnérables, le respect de l’éthique. Il se réfère à une vision humaniste d’un système de santé protecteur envers l’individu et la société.

Donc, c’est bien à cet Office que l’on peut adresser des alertes, des plaintes, des dénonciations. Mais aussi bien sûr des remerciements et des félicitations.

À ce propos, nous pouvons souligner avec satisfaction que cet Office a réagi très rapidement lorsqu’il s’est agi d’obtenir que le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires (SMPP) remette, après plus de 6 mois d’attente, le dossier d’un patient détenu à son avocate et à sa curatrice.

Rappel 

Les patients sont propriétaires de leur dossier médical. Aucun médecin, ni institution ne peut refuser l’accès au dossier, même s’il est sous-main de justice. C’est la loi sur la santé publique qui le stipule.

C’est donc à cet organe que les parents/curateur de Raphaël ont adressé une copie de leur dénonciation concernant l’insuffisance, voire l’absence de soins adaptés à leur fils atteint entre autres comorbidités, d’autisme. En effet, car, si la COP est compétente pour les questions de droits des patients, c’est le Conseil de santé qui peut se prononcer sur le sujet touchant à l’art médical et la bientraitance.

C’est pourquoi, des questions concernant l’adéquation de la prise de neuroleptiques, benzodiazépines, anti-dépresseurs, pour leur fils atteint de troubles du spectre autistique, tout comme les conséquences de telles prescriptions sur la prise de poids massive (45 kg), ont été portées à la connaissance de l’Office du Médecin cantonal.

3. Conseil de santé

Dès lors, cette instance pourrait juger utile de mener une enquête sur ces faits. Nous sommes dans l’attente d’une réponse.

– Les missions du Conseil de santé sont fixées par l’art. 13 LSP. Il est notamment compétent pour se prononcer sur des problèmes de santé publique et proposer des mesures à envisager à l’encontre de professionnels de la santé.

Bonne lecture et bien cordialement,

– Le Conseil de santé préavise, pour la Cheffe du département de la santé et de l’action sociale (DSAS), l’ouverture d’enquête contre des professionnels de la santé, sur la base de faits qui leur sont reprochés. Une délégation du Conseil de santé, composée de un à trois membres, est chargée de l’instruction. Au terme de celle-ci, le Conseil de santé propose, le cas échéant, une sanction administrative (art. 191 LSP) à la Cheffe du DSAS. »

Raphaël, Christian ne sont pas des cas spéciaux, pour lesquelles une intervention ciblée résoudrait le problème.  Ils ne sont que la pointe de l’iceberg d’un dysfonctionnement de notre système judiciaire et carcéral qui n’a pas les moyens de ses objectifs.

Raphaël, Christian et les autres sont aussi le symptôme d’une Justice, magistrats et avocats confondus, ignorante de l’écart qui existe entre les intentions et la réalité concernant le traitement psychiatrique découlant de l’exécution d’une mesure thérapeutique au sens de l’article 59.

Notre canton offre une psychiatrie de deuxième zone aux patients atteints de troubles mentaux avec symptômes de violence. Une psychiatrie à deux vitesses. Et ce n’est pas peu dire.

En vous remerciant de l’attention portée à ces Nouvelles, et avec nos cordiales salutations.

Graap-A ,Mme Dominique Hafner, Présidente

Pour lAction Maladie Psychique et Prison du Graap,

Karen Hafsett, Coordinatrice  et  Madeleine Pont, Resp. AMPP

nouvelles du 13 mars 2023

Prison : Une psychiatrie à deux vitesses– Nouvelles du Collectif 59 du GRAAP

La prison n’étant pas un lieu de soins, l’Action Maladie Psychique et Prison (AMPP) se bat pour que les personnes atteintes de troubles mentaux aient accès aux soins dont ils ont besoin et soient placées dans des institutions spécifiques. AMPP veille au respect de la Convention européenne des droits humains et des Règles Nelson Mandela. Convention et Règles qui ne sont pas respectées, particulièrement dans le canton de Vaud, où 61 personnes sont détenues en prison pour l’exécution d’une mesure 59 Code pénal, à défaut d’établissements appropriés et où la logique carcérale l’emporte largement sur la logique thérapeutique.

Le «Collectif 59», a été créé en août 2021 pour dévoiler à un plus large public, les conditions d’exécution d’une mesure thérapeutique en prison. En un premier temps, Christian* accompagné de ses proches s’est engagé activement pour témoigner de son parcours. Les 16 premières « Nouvelles » racontent les événements significatifs de ce parcours. À partir de cette 17ème lettre, Raphaël* et ses proches sortent aussi de l’ombre et viennent en renfort dans notre équipe.

Aux personnes intéressées et/ou concernées par les activités et thématiques du Graap-Association,
À nos partenaires psychosociaux et politiques,
À vous qui soutenez le Collectif 59,

Madame, Monsieur, Chère et Cher Ami-e, 

Concernant l’affaire Christian*,  la Juge d’application des peines a rendu son verdict. Défiant les règles de la proportionnalité, entre autres, elle a décidé de reporter encore la libération conditionnelle et de maintenir Christian astreint à l’article 59. Malgré tout, et très certainement, nous allons pouvoir vous donner de bonnes nouvelles avant Pâques

Dans les Nouvelles du Collectif 59 du 16 décembre 2022, nous vous informions du dépôt d’une dénonciation à la Commission cantonale des plaintes par les parents/curateur de Raphaël*. Le traitement de cette plainte est toujours en cours. Les parents/curateur adressaient en même temps, copie de cette dénonciation au Médecin cantonal.

Il y a peut-être lieu de préciser le cahier des charges des trois organes qui sont chargés par l’Etat de Vaud d’examiner et de donner suite aux plaintes de patients vaudois. Le droit concernant la santé est le même pour tous, que les patients soient ou non détenus en prison. 

1. Commission d’examen des plaintes des patients, résidents ou usagers d’établissements sanitaires et d’établissements socio-éducatifs – VD.CH.(COP)

– La COP veille au respect des droits des patients inscrits dans la Loi sur la santé public. Dès lors, ce sont uniquement les professionnel-le-s de la santé, les établissements et les institutions dont la mission est sanitaire qui peuvent être mis en cause cette  Commission.

– La COP veille aussi au respect des droits des résidents ou usagers d’établissements sanitaires et/ou socio-éducatifs, au sens de la Loi sur les mesures d’aide et d’intégration pour les personnes handicapées (LAIH).

Les établissements pénitentiaires, quels qu’ils soient, ne sont pas considérés comme une institution de soins, ni comme une institution socio-éducative par la LAIH. En conséquence, il en découle que des plaintes ou des dénonciations concernant la prise en charge -ou l’absence de prise en charge-  socio-éducative des patients détenus en prison ne peuvent être traitées par la COP.

C’est donc une évidence pour le législateur que la prison n’est pas reconnue comme un lieu d’aide à l’intégration. Alors, POURQUOI, la Justice et l’Office d’exécution des peines s’évertuent-ils toujours et encore à considérer la prison comme une institution offrant des traitements psychiatriques ? La prison, où l’on se contente de la présence d’agents de détention en guise de soutien psycho-socio-éducatif ?

Les patients ayant commis une infraction qui justifie ou non une sanction pénale et qui sont astreints à une mesure thérapeutique sont donc voués, dans le Canton de Vaud, à recevoir des soins psychiatriques uniquement ambulatoires dans un lieu particulièrement inapproprié pour le rétablissement de la santé qu’est la prison. La prison avec ses murs, ses barbelés, ses cachots et sa violence intrinsèque.

Si ça, ce n’est pas une psychiatrie à deux vitesses, alors que penser de la qualité de la psychiatrie publique de notre canton ?

Rappel de l’article 59 du Code pénal suisse : 

Alinéa 1 :

Lorsque l’auteur souffre d’un grave trouble mental, le juge peut
ordonner un traitement institutionnel…

Alinéa 2 :

Le traitement institutionnel s’effectue dans un établissement psychiatrique approprié …

Alinéa 3 :

Le traitement (…)  peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l’art. 76, al. 2, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié.

2.L’Office du Médecin cantonal

– Cet Office intervient notamment dans les droits des patients, la protection des populations vulnérables, le respect de l’éthique. Il se réfère à une vision humaniste d’un système de santé protecteur envers l’individu et la société.

Donc, c’est bien à cet Office que l’on peut adresser des alertes, des plaintes, des dénonciations. Mais aussi bien sûr des remerciements et des félicitations.

À ce propos, nous pouvons souligner avec satisfaction que cet Office a réagi très rapidement lorsqu’il s’est agi d’obtenir que le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires (SMPP) remette, après plus de 6 mois d’attente, le dossier d’un patient détenu à son avocate et à sa curatrice.

Rappel 

Les patients sont propriétaires de leur dossier médical. Aucun médecin, ni institution ne peut refuser l’accès au dossier, même s’il est sous-main de justice. C’est la loi sur la santé publique qui le stipule.

C’est donc à cet organe que les parents/curateur de Raphaël ont adressé une copie de leur dénonciation concernant l’insuffisance, voire l’absence de soins adaptés à leur fils atteint entre autres comorbidités, d’autisme. En effet, car, si la COP est compétente pour les questions de droits des patients, c’est le Conseil de santé qui peut se prononcer sur le sujet touchant à l’art médical et la bientraitance.

C’est pourquoi, des questions concernant l’adéquation de la prise de neuroleptiques, benzodiazépines, anti-dépresseurs, pour leur fils atteint de troubles du spectre autistique, tout comme les conséquences de telles prescriptions sur la prise de poids massive (45 kg), ont été portées à la connaissance de l’Office du Médecin cantonal.

3. Conseil de santé

Dès lors, cette instance pourrait juger utile de mener une enquête sur ces faits. Nous sommes dans l’attente d’une réponse.

– Les missions du Conseil de santé sont fixées par l’art. 13 LSP. Il est notamment compétent pour se prononcer sur des problèmes de santé publique et proposer des mesures à envisager à l’encontre de professionnels de la santé.

Bonne lecture et bien cordialement,

– Le Conseil de santé préavise, pour la Cheffe du département de la santé et de l’action sociale (DSAS), l’ouverture d’enquête contre des professionnels de la santé, sur la base de faits qui leur sont reprochés. Une délégation du Conseil de santé, composée de un à trois membres, est chargée de l’instruction. Au terme de celle-ci, le Conseil de santé propose, le cas échéant, une sanction administrative (art. 191 LSP) à la Cheffe du DSAS. »

Raphaël, Christian ne sont pas des cas spéciaux, pour lesquelles une intervention ciblée résoudrait le problème.  Ils ne sont que la pointe de l’iceberg d’un dysfonctionnement de notre système judiciaire et carcéral qui n’a pas les moyens de ses objectifs.

Raphaël, Christian et les autres sont aussi le symptôme d’une Justice, magistrats et avocats confondus, ignorante de l’écart qui existe entre les intentions et la réalité concernant le traitement psychiatrique découlant de l’exécution d’une mesure thérapeutique au sens de l’article 59.

Notre canton offre une psychiatrie de deuxième zone aux patients atteints de troubles mentaux avec symptômes de violence. Une psychiatrie à deux vitesses. Et ce n’est pas peu dire.

En vous remerciant de l’attention portée à ces Nouvelles, et avec nos cordiales salutations.

Graap-A ,Mme Dominique Hafner, Présidente

Pour lAction Maladie Psychique et Prison du Graap,

Karen Hafsett, Coordinatrice  et  Madeleine Pont, Resp. AMPP

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